BEAU CAILLOU est le portrait de la ville de Beaucaire à travers sa jeunesse et ses paysages.

Beaucaire. Une ville au nord du delta du Rhône. Un plateau calcaire, une plaine fertile, un fleuve. Une carrière ayant servi à la construction d’un château moyenâgeux en grande partie détruit et alimentant aujourd’hui une usine de ciment. Un incinérateur. Une ancienne voie romaine. Un canal et un port de plaisance. Une zone artisanale. Un centre-ville délaissé, des immeubles d’habitation à loyer modéré vieillissants, des zones pavillonnaires récentes. Une population. Des habitants. Des groupes d’individus constitués. Un mouvement centripète. Un centre, des zones.

Pendant plusieurs mois, Alexandre Dimos et Stéphanie Lacombe ont parcouru cette ville pour tenter d’en saisir les mécanismes et les dynamiques à travers un récit documentaire et photographique. Deux points de vue se croisent et tentent, en décrivant chacun à leur manière cet espace, d’en interroger les modes de vie. Beaucaire est une cité en mouvement et en tension, où craintes et fantasmes, espérances et assèchement des imaginaires, multiplicités et différences distendent le lien social.

BEAU CAILLOU
Aux éditions B42
Sortie en librairie le 17 mai 2024
Présentation et lancement du livre chez @librairie_volume, Paris 11, le 29 mai à 19h30.


James est déménageur en contrat d’intérim et Bruna caissière à mi-temps. 
Ils attendent un heureux événement. 
Ils vont donc s’installer ensemble mais réfléchissent encore si ce sera en centre-ville ou aux alentours de Beaucaire. 
Bruna veut rester ici près de sa famille, tandis que moi je préférerais partir. 
Partir ailleurs pour devenir riche.


Arthur a su très tôt ce qu’il voulait faire dans la vie : Filmer les taureaux au milieu de l’arène avec ma caméra. 
Il a quitté l’école pour créer sa propre chaîne Youtube aux 3500 abonnés : 100% biou qui signifie 100% taureau. 
Il en retire un salaire suffisant pour le moment.
Je commente les courses camarguaises comme un journaliste sportif.


Le père de Florian est un ancien militaire. 
Ses récits lui ont donné envie d’entrer dans la Marine nationale comme cuisinier. 
Pendant mon BTS, j’ai passé les entretiens de motivation. 
Honneur. Patrie. Valeur. Discipline : ils m’ont pris sur-le-champ. 
Pour le mariage de mon frère, j’ai eu l’autorisation de sortir avec ma tenue appelée « 22 cérémonie »
que l’on ne porte que le 14 juillet.


Ezekiel est né en Équateur. 
Il a grandi en France seul avec sa mère qui lui a transmis le goût des autres et du monde. 
L’Équateur ne lui manque pas, la vie est très difficile là-bas. 
J’ai eu un besoin d’indépendance très jeune. J’aime me mélanger aux autres communautés. 
Mes amis sont journalistes, ouvriers agricoles, musiciens, ferrailleurs sur Arles.

Élise a toujours habité Beaucaire. 
L’été, elle s’ennuie, c’est l’âge. 
Surtout quand ses potes partent en vacances. 
Elle va passer son bac en faisant l’école à la maison.
Plus tard, elle s’imagine pompier ou actrice.
Je suis une bonne comédienne, je sais me faire pleurer, c’est un don.

Yohan et son copain partent camper au bord d’un étang pour y chasser le canard, 
ensuite, ils le plument et le font griller. 
Ils pêchent aussi des silures de deux mètres et des carpes qu’ils relâchent ensuite.
En revanche, on mange les sandres, même ceux pêchés dans le canal.
On pourrait faire Koh-Lanta ! 
L’été, on n’a pas trop le temps pour les filles, on garde ça pour l’hiver.


Petit, Luis a vu trop de corridas en plein soleil. 
Son grand-père était picador, et son père toréador.
Ça ne m’intéresse pas du tout ! Moi je préfère la muscu et le rap. 
Dans ses freestyles, il aborde le quotidien et la vie de ses collègues de l’usine.
Ici, les gens disent que je n’y arriverai jamais, mais je les laisse dire.
Son rêve : réussir son CAP et rejoindre sa copine à Dijon.


Anaïs est femme de chambre depuis deux ans. 
Marie est employée dans une usine. 
Les soirs d’été, avec les copains de la bande, ils s’installent dans le pré du champ de foire. 
Aucun d’entre nous n’a son propre appartement. Ici on peut fumer, boire
et écouter fort la musique. L’hiver on fait pareil, on se tient chaud, tous serrés dans la voiture !


Comme Quentin est insomniaque, la nuit il joue à la console. 
Agoraphobe, il sort assez peu de chez lui. 
C’est la raison pour laquelle il cherche un travail de nuit en hôtellerie. 
Mais j’ai confiance, j’arrive encore à aller au McDo et au Dream Tacos Kebab.


Tristan est revenu vivre à Beaucaire où il a grandi.
J’ai quitté mon travail, mon patron me voyait comme une extension des machines. 
Comme sa sœur Sophie, il a enchaîné les missions galères en intérim. 
Cette année, ils ont chacun décidé de suivre une formation en apprentissage.
On aura perdu beaucoup de temps mais...


Lauriane veut travailler dans la police scientifique 
depuis qu’elle a découvert la série NCIS à la télévision. 
Mon ex-copain me dit que je suis une psychopathe ! 
À chaque printemps, elle va en pèlerinage aux Saintes-Maries- de-la-Mer en Camargue.
L’été, quand il fait chaud, on vient au frais ici, le long du Rhône. 
On ne s’y baigne pas, c’est dangereux.



Les soirs d’été, Loïc plonge dans le canal situé devant chez lui. 
Avant, il y avait des carpes et des nids de serpents.
Aujourd’hui, il n’y a plus que des moustiques qui rentrent dans le nez. 
Son père, confiseur sur le marché, lui a acheté un mini food truck pour vendre des glaces.
Une manière de me transmettre la valeur du travail.
C’est bien, et comme ça je ne taxe plus de thunes à mon père...


Angèle et Giovana ont parfois envie de changer de paysage.
Même s’il y a un bus pour aller se baigner au pont du Gard, 
il manque une piscine publique et un lycée général.
À Beaucaire, il n’y a que deux lycées professionnels.
On a le choix entre électricité, menuiserie, soudure ou optique.
Tout le monde n’a pas envie de faire des lunettes plus tard !


Elian aime venir à Beaucaire passer ses vacances chez ses grands-parents.
Ici il y a le soleil, la famille et surtout les taureaux.
Il est ”raseteur” aux toro-piscines : il s’agit d’attraper une cocarde attachée à la corne du taureau.
La dernière fois j’ai gagné trente euros.
Elian a un CAP palefrenier- soigneur.
Jamais je ne travaillerai derrière un bureau !


Kaï et Jasmine rêvent de partir. 
Kaï pour vivre en Espagne, où elle est pensionnaire en lycée pro. 
Jasmine, le plus loin possible dans les montagnes de l’Atlas au Maroc pour s’isoler.
Je m’imagine loin du tumulte du centre-ville où j’habite.


Le soir, Jocelyn est serveur dans un restaurant. 
La journée, il est bénévole dans une manade. 
Il y travaille tous les jours de la semaine par passion. 
Une passion dangereuse. 
Son rêve serait d’avoir sa propre manade bien sûr.
Mais être éleveur de taureaux demande de gros moyens. 
On n’imagine pas la difficulté de la jeunesse en milieu rural.

Achraf rentre tout juste du Maroc.
J’ai passé trois mois là-bas alors ce soir, j’ai le blues.
Sa passion c’est le handball.
J’ai été espoir français en tant que gardien.
Il est en terminale Maintenance industrielle sur les machines. 
Mon père est réparateur de téléphone. 
Pour rire, mes potes disent que c’est forcément un arnaqueur !


Hissam a un projet capillaire : 
avoir les cheveux longs, faire des mèches puis les attacher. 
Et enfin, faire un rasé-dégradé sur les côtés.
J’ai bossé tout l’été comme maçon pour me payer cette trottinette. 
Même si j’ai une piscine chez moi, je traverse la ville pour être ici avec mes amis. 
Plus tard, j’irai vivre à Nîmes ou Marseille. Il faut savoir bouger.


Mathis habite une maison de la Moulinelle.
Avec mes copains du quartier, même quand il pleut, on se retrouve. 
Mon pote, c’est comme ma sœur ! 
J’aimerais être footballeur, c’est le rêve de tous ici. 
Mais pour moi ce n’est pas gagné, je fais un CAP de menuiserie...


Marwan passe l’été dans son quartier à la Moulinelle.
Je m’isole à l’ombre, sous l’arbre et je suis bien là.
Il descend en centre-ville quand une ”encierro” est organisée : 
il s’agit d’un lâcher de taureaux sur un parcours bordé de barrières.
Pour l’adrénaline ! C’est fort de se retrouver en face d’un taureau, on se met en danger.


Djibril vient de Grenoble.
Je ne sais pas ce que je fais là !
Le mieux finalement, c’est de rester là où sont nos racines.
Beaucaire est désertique. C’est toujours les mêmes murs.
Il manque des gens dans les rues, il n’y a pas de « quartier » où aller.

Son rêve, c’est de percer, d’avoir une position stable. 
Stable, mais sans effort.

Léo mange du hérisson, c’est une tradition chez les gens du voyage. 
Je n’ai pas de rêve. Je suis bien là, exactement où je suis. 
Je suis maçon, j’aime travailler dur, même très dur. 
Ce soir, je n’ai pas pris le temps de quitter mes chaussures de sécurité 
pour courir après le taureau dans la ville. 
L’abrivado, c’est un mélange de frayeur et de plaisir.


Les parents d’Angélina sont Équatoriens. 
Ils étaient ouvriers agricoles en Espagne avant de venir s’installer à Beaucaire pour le travail.
Tous les samedis, on vient ici regarder les Colombiens et les Vénézuéliens jouer contre nous au foot et au volley. 
Angélina imagine s’engager dans la légion étrangère :
Ma grand-mère m’a toujours dit qu’il valait mieux avoir peur des vivants que des morts.

Fabio est né à Tahiti.
Il a été adopté. Son cœur est Beaucairois pour toujours.
Ici c’est un peu comme à Monaco, l’été il y a la fête et l’hiver il y a la messe.
Sur le fronton de la mairie, il faudrait les drapeaux de l’Occitanie, de la France et de l’Europe. 
Au lieu des trois drapeaux français en place. 


Sarah voudrait aller vivre à Dubaï.
C’est la vie de rêve là-bas. Bien sûr j’emmènerai ma mère avec moi !
À la rentrée, Sarah part à Montpellier s’installer en colocation pour ses études en Architecture d’intérieur.Cet été, Sarah profite de sa piscine, des bodégas et des boutiques à Nîmes.
Pour être honnête, la politique c’est pas trop mon truc. 
Mais plus tard, je voterai. 


Suite à son stage de ménage au crématorium, 
Brandon a décidé de passer son permis de conduire 
pour être chauffeur de corbillard et porteur de cercueil.
Je voudrais aussi emmener ma mère loin d’ici. Le bruit, les klaxons la nuit, la promiscuité...
Le cœur de ville, c’est bien pour les touristes, mais c’est difficile d’y vivre.

Solenne et Angélina sont inséparables. 
C’est la famille d’Angélina qui organise les bodégas l'été sur la place de la foire. 
Plus tard, moi, je serai gendarme. J’aime ma ville, ma région, ses traditions.
Je porte autour du cou la croix de la Camargue. 
Le cœur symbolise la charité. La croix c’est la foi, et l’ancre, c’est l’espérance.

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