Depuis une vingtaines d’années, les mobile-homes sont devenus la norme dans tous les campings de la côte Picarde. Pour les habitants de la région aux revenus modestes, c’est l’occasion d’accéder à la propriété à moindre coût, où de s’offrir une résidence secondaire pour la retraite.
PUBLICATION DANS L'OBS
Immobile Home
Le camping Ami-Ami a attiré mon attention : situé à Berck-sur-Mer derrière la plage dite du Terminus à l’extrémité nord de la ville, ce camping est resté dans son jus depuis 1974, date de son ouverture. Il est simple, sans arbre ni végétation, désuet à souhait, avec un bac à sable et un mini golf asséché pour seule animation, il est pourtant fréquenté de génération en génération depuis plus de quarante ans. Le camping Ami-Ami c’est une histoire de famille, tout le monde se fait la bise, les couples se font et se défont, les vacanciers s’y donnent rendez-vous chaque été ou les week-end de beaux temps pour profiter du barbecue.
À regarder de plus près, le mobile-home est plus un bien de consommation de loisir qu’un placement immobilier : ce type de logement décote rapidement car il est éphémère et vite vétuste. De plus, comme son nom ne l’indique pas, un mobile-home se déplace une seule fois et en convoi exceptionnel, pour être installé définitivement sur une parcelle. Celle-ci est payante toute l’année, comme un loyer, à remettre au gérant du camping qui n’en ouvre l’accès que pendant la période estivale. L’hiver, les propriétaires ne disposent donc pas de leurs maisonnettes. Mais qu’importe, aux beaux jours, les vacanciers transforment leur préfabriqué en vrai lieu de villégiature et cela pour plusieurs décennies. Ainsi, ils posent les photos sur la cheminée en stuc, installent de fausses boîtes aux lettres pour les oiseaux, suspendent des pots de fleurs avec leur système d’arrosage automatique.
Pourquoi peut-on vouloir tout lâcher pour les vacances, mais en emportant son chez soi sur son dos, comme un escargot ? Je voulais comprendre ce qui motivait les habitants de la région à vouloir investir leurs économies, sur une concession de loisir reproduisant trait pour trait, le fonctionnement d’une société à petite échelle : les mobile-homes sont rangés en rangs d’oignons, bordées de mini-barrières, recréant ainsi un mini-monde avec ses rues, ses bégonias et sa vie de voisinage et ce qu’elle induit, comme tension. Alors j’ai rencontré Francine qui vit l’été à deux pas de la plage avant de rentrer passer l’hiver dans son HLM ; Marc et Stéphane, qui se sont rencontrés enfants dans ce camping et souhaitent partager cet endroit avec leurs garçons ; Maurice, figure emblématique qui s’habille en gendarme et circule le soir avec un gyrophare pour amuser la compagnie.
Ami-Ami ce n’est pas Miami avec ses touristes en bikini et ses palmiers mais un lieu de repli, rassurant, modeste, où l’on retrouve ses voisins comme si c’était sa famille. Il faut y venir pour comprendre, sentir ces petits riens que les gens viennent chercher. C’est comme si Ami-Ami avait le pouvoir de garder les gens ici, pour toujours.
Stéphanie Lacombe